Sheep Meadow

Un monde aux nuances grisâtres commençait à s'animer au dessus de la ville. Le ciel jusqu'ici d'un bleu éclatant pliait peu à peu sous les assauts, imprévus mais tenaces, d'une bande de nuages orageux.
Jarvis, allongé dans l'herbe fraichement coupée, s'éternisait dans le parc. Fasciné par ce formidable spectacle de formes et de couleurs, il ne remarqua pas les familles et les jeunes couples qui fuyaient l'orage pour retrouver la sécurité toute relative de leur foyer.
L'air se rafraichi d'un seul coup, et le jeune homme se surprit à greloter dans sa jolie chemise bleue. Il eut une pensée amère pour l'épais manteau qui dormait tranquillement dans sa penderie, et maudit les gens de la météo pour leurs prévisions toujours approximatives.
Lorsque soudain, tomba la pluie, fine et glacée. Le genre de pluie qui vous transperce de froid le corps jusqu'à l'os. Jarvis en essuya quelques goutes de sur son visage, et se releva en jurant.
Le livre jusque là entrouvert sur sa poitrine tomba sur le sol. Il le ramassa immédiatement, avant que l'eau n'en traverse la couverture cartonnée, et le cala dans sa chemise entre sa peau et le tissu. Mais à pieds et sous la pluie, le jeune homme sut que son exemplaire de "Et on tuera tous les affreux" était dores et déjà foutu.

Vie de merde...

Le jeune homme chercha du regard une âme charitable avec qui partager un parapluie, mais les alentours restaient désespérément déserts. Il habitait trop loin pour pouvoir rentrer à pieds, mais rester planté là sans rien faire ne lui apporterait rien d'autre qu'une bonne bronchite.
Aussi se mit il à marcher, rapidement, en quête d'une protection contre la pluie. Et il la trouva assez rapidement en fait, 5 minutes plus tard, dans les toilettes du parc. Son odorat plutôt sensible ne lui permit pas d'entrer dans le petit bâtiment, mais attendre à l'extérieur sous le pré haut lui suffit largement.
Maintenant à l'abri, Jarvis essaya d'allumer une de ses cigarettes et par chances, elles n'étaient pas toutes mouillées. Dans un nuage de fumée, il s'adossa et se fit glisser le long d'un mur. Il se retrouva ainsi à attendre, assit sur le carrelage froid. Il regarderait la pluie tomber jusqu'à ce qu'elle cesse.

Elle tombait, fine et légère. "Hope" se disait il, éspérant que cette tombée de cristaux humides allait durer. Evan adorait la pluie. Marchant au milieu des troitoirs, tandis que la foule s'étalait contre le mur à la recherche d'un balcon ou d'un store sous lequel se cacher, le jeune homme lui adorait marcher sous la pluie, sentir ses vetements s'humidifier, puis enfin être trempés. Il avait un parapluie avec lui, mais l'envie secrète de le jeté faisait en lui des bonds et des rebonds, se sentir dénué, sans aucune protection contre cette nuée aquatique.

Arrivant sur une petite place, il s'asseya quelques secondes sur une balustrade, contemplant le paysage. Les plantes prenaient une couleur verte plus profonde sous le gris des nuages, un vert agréable, doux. L'étudiant, dont les cheveux laissaient s'écouler de longs ruisseaux sur son visage, se leva d'un bond et comme un enfant se mit à tourner sur lui même. Il devait passer pour un malade mental, il suffisait de voir le regard des gens, lui qui ne suivait pas la règle, lui qui ne faisait pas comme tout le monde, était observé comme une bête de scène. Il aurait voulu avoir un piano, ou un violon plutot, et jouer sous la pluie, jouer à n'en plus finir. Il entendait dans la chute des fines particules d'eau, un chant, une mélodie silencieuse, le murmure du monde.

Un sourire se déssinait sur sa peau légèrement halée, il aimait cette sensation, le froid parcourait tout son corps, comme pour le purifier, le laver. L'air de l'île était connu pour être particulièrement pur, il n'y avait que très peu de voitures, et la polution produite partait bien souvent ailleur, portée par le vent. Le jeune homme observa quelques secondes autour de lui, apercevant au loin une silhouette famillière, le barman, voila, c'était lui. Evan ne venait pas souvent en ville, et c'était pour lui la première fois qu'il y rencontrait une tête connue. Ni une ni deux il se dirigea vers l'homme à la chemise. Trempé comme un chien mouillé, Evan devait passer pour un malade, mais qu'importe, il n'était pas de nature à s'attaché aux jugements des autres, il vivait tout simplement.

Ses yeux argentés, luisants sous la lumière tamisée de la place, se déportèrent sur le visage aux traits fins du jeune homme ( Gaspard Ulliel !! (L) ). C'était un bel homme, il falait le reconnaître.

- Besoin d'un parapluie peut être ?

Une voix vint troubler l'univers paisible du jeune homme. Une voix profonde et riche, qui n'avait rien de désagréable. En réalisant que c'était à lui qu'on s'adressait, Jarvis se releva souplement. Sa clope toujours au bec, il s'attarda à détailler son interlocuteur du regard avant de répondre. Ses yeux noirs passant de ses vêtements trempés à son parapluie fermé.

Heu... C'est un piège?

Il sut au moment où il les prononça que ces mots allaient sonner bizarrement. Et cela le fit rire en fait, parce que quoi qu'il eut pu dire, il n'aurait jamais l'air aussi étrange que le jeune homme en face de lui. Jarvis n'avait pas pour habitude de s'attarder ni de fouiner dans la vie de parfaits inconnus, mais celui ci l'intriguait.

Non, ce que j'veux dire en fait, c'est pourquoi avoir prit un parapluie pour au final ne pas s'en servir? Pour le coup moi ça m'arrange mais... Non bah rien.

Jarvis balança son mégot sous la pluie et tendis sa main pour serrer celle du jeune inconnu.

Dommage, j'aime bien regarder la pluie tomber. Mais puisque vous (tu?) êtes là, ça serait tenter le destin que de refuser. Surtout que je suis attendu.

Et pour cause, il avait laissé son café entre les mains de son équipe. Il leur faisait confiance à tous, bien sur, mais avec un tel temps les gens chercheraient à se mettre à l'abri. Et bien qu'expérimenté, le personnel du Slammer ne tarderait pas à être débordé.

[ Ouais, j'fais court en ce moment, désolée ^^"]

Non, ce que j'veux dire en fait, c'est pourquoi avoir prit un parapluie pour au final ne pas s'en servir? Pour le coup moi ça m'arrange mais... Non bah rien.

Evan aimait ce genre de réactions, laisser les gens perplexes, c'est ce qu'il faisait le mieux. Le regard du jeune homme était détaché, comme s'il disait sa phrase sans vraiment attendre de réponse. L'étudiant lacha un légé gloussement avant d'ajouter:

- Mouarf, j'avais pas envie de l'ouvrir, c'est chiant à porter ces trucs. Puis, ce n'est pas souvent qu'il pleut, autant en profiter quand ca arrive.

Il souriait en parlant, c'était un fait, la pluie n'était pas l'amie des humains, mais elle l'était d'Evan. C'était comme une nuée scintillante, une pluie de diamants.

Dommage, j'aime bien regarder la pluie tomber. Mais puisque vous (tu?) êtes là, ça serait tenter le destin que de refuser. Surtout que je suis attendu.

Il lui tendit l'objet, un sourire en coin. S'il aimait bien la regarder, pourquoi s'en protegeait il ? Evan pensait d'une mannière peu commune, chassant de son esprit toute sorte de normes, de règles, il était libre c'était certain.

- Vous aurez l'occasion de la regarder à nouveau, il va pleuvoir pendant quelques jours encore.

[ Chtou ptit T_T ]

Jarvis accepta de bon cœur le parapluie que lui tendait le jeune homme.

- Vous aurez l'occasion de la regarder à nouveau, il va pleuvoir pendant quelques jours encore.

Le visage du jeune gérant s'assombrit un peu, l'histoire de quelques secondes, avant d'afficher un sourire mélancolique. Après tout, son interlocuteur n'y était pour rien si sa vie n'était que contraintes et boulot.

Non, je ne crois pas.

Il regarda sa montre d'un air absent, puis haussa légèrement les épaules.

Le temps, comprenez. Je ne vais pas en avoir assez, ces prochains jours.

Et pour cause, Jarvis s'était enfin décidé à agrandir son café. Rien de bien extraordinaire, les travaux allaient en fait se résumer à un petit espace scénique. Chaleureuse et intimiste, le jeune homme attendait beaucoup de cette scène qui allait redéfinir complètement l'identité de son établissement.
Consciencieux, comme toujours, Jarvis supervisait toutes les étapes de sa construction. Et comme s'il n'était pas déjà overbooké, il allait bientôt devoir organiser les castings qui définiraient quels groupes auraient la chance d'inaugurer la nouvelle face du Zooty Slammer.

Écoutez, ça me gène un peu de prendre votre parapluie quand même... Je vais vous laisser ma carte, ça sera plus pratique pour venir le récupérer.

Joignant le geste à la parole, il lui tendit une petite carte élégante aux coordonnées du café.

J'y suis tous les jours, alors hésitez pas!

Écoutez, ça me gène un peu de prendre votre parapluie quand même... Je vais vous laisser ma carte, ça sera plus pratique pour venir le récupérer. J'y suis tous les jours, alors hésitez pas!

Evan l'observa quelques secondes avant de prendre la carte, celle ci était en papier glacé, il le sentait à la texture, douce. La présentation était fine, le nom du bar apparaissait en haut du carton, quelques formes venaient agrémenté le tout, laissant au regard une impréssion de légereté. Evan l'observa plusieurs secondes, silencieux, ce bar méritait sa réputation.

- Je passerais dès que j'en aurais le temps. Mais ne vous en faites pas, c'est qu'un parapluie après tout, et comme vous l'avez si bien remarqué, je ne m'en sers même pas alors..


Il parlait avec détachement, laissant les mots coulés sans réellement prété garde. Evan observait le ciel, vu d'en bas il était magnifique, les nuages laissaient transparaître quelques rayons de soleil par ci par la, on pouvait se dire que derrière ce voile grisâtre se tenait un ciel bleu, magnifique, égal à lui même, il était là, juste au dessus.

- Votre café est celui qui est dans l'avenue principale non ? Je suis passé à côté en début d'après midi. J'ai d'ailleurs cru voir une petite scène en construction.

Evan repérait tout le temps les choses intérréssantes du premier coup, et bien que les travaux n'étaient pas assez avancés pour confirmer ses dires, il savait qu'il s'agissait d'une scène, ca ne pouvait être autre chose.

- Si vous avez besoin d'artistes, je me ferais un plaisir de venir, ca me plairais vraiment.

Il laissa s'échaper un sourire puis ajouta :

- Bon je vais vous laisser, vous semblez préssé, tout en s'éloignant il continua, je passerais dans la semaine..